vendredi 27 mars 2020

L'annonce missionnaire et la prière du pécheur: une perspective catholique

Auteur: Pierre-Alain Giffard

(Article publié dans Theoforum 48 (2018), pp. 309-319 doi: 10.2143/TF.48.1.3286640)

RÉSUMÉ  : Cet article traite de l’annonce missionnaire et se penche sur une pratique des Églises évangéliques qui invite les non-croyants et les personnes qui vivent dans l’indifférence religieuse à accepter Jésus comme Seigneur et Sauveur. La première partie explique ce qu’est l’annonce mis-sionnaire et comment une invocation appelée la prière du pécheur est utilisée dans les Églises évangéliques pour aider les nouveaux croyants à exprimer leur foi et leur désir de salut. La deuxième partie met en lumière l’importance du repentir dans cette démarche de conversion. La troisième partie explore ce que devrait être le contenu de l’annonce kérygmatique pour conduire à une conversion authentique. À la suite de ces réflexions, il est alors proposé une nouvelle version de la prière du pécheur. Il est aussi rappelé l’importance de voir la conversion initiale comme une première étape sur le chemin de la conversion continue. Et finalement l’article conclut en disant que la proclamation missionnaire devrait être vue et pratiquée selon 4 composantes essentielles.


Introduction

Le concile Vatican II a été l’occasion, pour l’Église catholique, de réfléchir sur sa théologie missionnaire et a permis, entre autres, la promulgation du décret conciliaire Ad gentes. Depuis le concile, les responsables ecclésiaux exhortent continuellement l’ensemble des catholiques à annoncer l’Évangile1. Le pape Jean-Paul II, dans l’encyclique Redemptoris missio, proclame «  l’urgence de l’annonce missionnaire  » disant qu’elle constitue dans le monde actuel «  le premier service que l’Église peut rendre à tout homme et à l’humanité entière  »2. Il exhorte tous les membres de l’Église à engager toutes leurs forces dans la nouvelle évangélisation  : «  Aucun de ceux qui croient au Christ, aucune institution de l’Église ne peut se soustraire à ce devoir suprême  : annoncer le Christ à tous les peuples  »3. La tâche d’évangéliser, écrit-il, «  concerne tous les chrétiens, tous les diocèses et toutes les paroisses, toutes les institutions et toutes les associations ecclésiales  »4.

Les deux papes qui ont continué d’inciter les fidèles dans le même sens  : L’Église dans son ensemble, écrivait le pape Benoît XVI, doit «  se mettre en route, pour conduire les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers celui qui nous donne la vie, la vie en plénitude  »5. Le pape François, pour sa part, s’exprime ainsi  : «  Chaque baptisé est ‘un christophore’, c’est-à-dire porteur du Christ, comme disaient les Pères anciens. Celui qui a rencontré le Christ, comme la Samaritaine du puits, ne peut pas garder pour lui cette expérience  »6.

De fait, la plupart des catholiques perçoivent l’importance de transmettre leur foi mais, dans la pratique, ils ne savent pas comment le faire  : comment proclamer l’amour de Dieu révélé dans les Évangiles  ? Comment inviter quelqu’un à devenir disciple du Christ  ? Pour plusieurs paroissiens, l’invitation à évangéliser suscite des questions et des inquiétudes  : qu’est-ce que cela veut dire  ? Va-t-on nous demander de faire du porte-à-porte  ?

C’est au cœur de ces interrogations que cet article réfléchit sur l’annonce missionnaire et particulièrement sur une pratique des Églises évangéliques qui invite les personnes évangélisées à accepter Jésus comme Seigneur et Sauveur. La première partie explique ce qu’est l’annonce missionnaire, notamment dans sa dimension d’annonce kérygmatique et comment une invocation appelée la prière du pécheur peut être utilisée pour aider les nouveaux croyants à exprimer leur foi et leur désir de salut. La deuxième partie met en lumière l’importance du repentir dans cette démarche de conversion et la troisième partie explore ce que devrait contenir le message de l’annonce missionnaire pour que celui-ci conduise à une conversion authentique. À la suite de ces réflexions, il est alors proposé une nouvelle version de la prière du pécheur. Il est aussi rappelé l’importance de voir la conversion initiale comme une première étape sur le chemin de la conversion continue. Et finalement l’article conclut en disant que la proclamation missionnaire devrait être vue et pratiquée selon 4 composantes essentielles.


1.  L’annonce missionnaire et la prière du pécheur

L’annonce missionnaire, parfois appelée première annonce, est cette partie de l’évangélisation qui vise à conduire des personnes au Christ. Elle s’exerce par le témoignage et la proclamation kérygmatique7. Elle invite à la conversion initiale, c’est à dire à la repentance et à la confession du salut en Jésus Christ8. Elle est un appel aux non-croyants et à ceux et celles qui vivent dans l’indifférence religieuse9.

S’engager dans l’annonce missionnaire, c’est chercher à susciter une réponse de foi chez des non-croyants et à les faire cheminer vers une relation d’amour et de confiance avec le Christ. L’annonce missionnaire se réalise lorsque des hommes et des femmes accueillent Jésus comme Sauveur et Seigneur (2Pi 3,18)10

C’est dans cette perspective théologique d’accueillir Jésus dans la foi que certaines églises protestantes invitent les personnes qu’elles évangélisent à réciter une prière couramment appelée la prière du pécheur ou la prière du salut.  Cette prière est proposée à la fin d’un sermon, d’un enseignement ou d’un témoignage personnel. Le prédicateur ou la personne qui évangélise invite les personnes qui décident de se convertir à la répéter après lui. Par exemple, dans l’église du pasteur coréen David Yonggi Cho11, l’appel à réciter une telle prière est le sommet de la célébration.
The culmination of a worship service comes at the conclusion of Dr. Cho’s sermon when he invites all who want to receive Jesus Christ as their Lord and Savior to stand and repeat a sinner’s prayer after him12.
Il y a de nombreuses versions de cette prière mais la plupart ressemblent à celle-ci  :
Lord Jesus, I want to know You personally. Thank You for dying on the cross for my sins. I open the door of my life and receive You as my Savior and Lord. Thank You for forgiving me my sins and giving me eternal life. Take control of the throne of my life. Make me the kind of person You want me to be13.
On la retrouve dans des dépliants distribués lors de campagnes d’évangélisation et dans de nombreux sites internet et blogues à caractère missionnaire. Les premières traces de cette prière remontent aux grands réveils protestants (Revivals) du 19ème siècle aux États-Unis et en Grande-Bretagne. William Taylor (1821-1902) l’utilisait dans ses enseignements et Dwight L. Moody (1837-1899) dans ses prédications. Avec le temps, elle est devenue de plus en plus populaire. Depuis le 20 ème siècle et jusqu’à aujourd’hui, de grandes organisations comme celles de Billy Graham (Billy Graham Evangelistic Association) et CRU (anciennement Campus Crusade for Christ) s’en servent dans leurs campagnes d’évangélisation14.

La récitation de cette prière est une réponse à Dieu qui, par l’action de l’Esprit Saint communique la foi au Christ, incite au repentir et à l’accueil du salut15. Sa récitation témoigne d’une conversion initiale et montre que l’annonce missionnaire a atteint son but: «  que les non-chrétiens, le Saint-Esprit ouvrant leur cœur (cf. Act. 16, 14), croient et se convertissent librement au Seigneur et s’attachent loyalement à Lui  »16. Le nouveau converti s’engage dans un rapport personnel avec Dieu dans le Christ  : «  communiant déjà par la foi au mystère de la mort et de la résurrection, il passe du vieil homme au nouvel homme qui a sa perfection dans le Christ  »17. 


2.  Recentrage de son existence

Nous souhaitons toutefois affirmer ici qu’une telle prière dite du bout des lèvres ou répétée sans en saisir le sens ne pourrait pas être considérée comme un signe authentique de conversion. En effet, la conversion est un acte libre qui jaillit de la componction et du repentir  : 
Donnez-moi, en effet, une âme animée des sentiments d’une vraie componction, la voilà tout à coup remplie de force, d’une force semblable à celle du feu au milieu des épines; et quand même cette âme se trouverait en proie à mille maux, chargée des liens de l’iniquité, toute consumée par le feu des mauvaises passions, étourdie par le tumulte et le fracas des affaires séculières, n’importe, la componction aura bientôt, comme d’un violent coup de fouet, chassé loin de cette âme tous ces ennemis, tous ces maux. De même qu’une légère poussière ne tiendra jamais devant un vent impétueux; de même aussi, quand une vive componction aura pénétré dans une âme, jamais les mauvaises passions, si nombreuses qu’elles soient, ne pourront tenir devant la force de cette vertu, elles disparaîtront et se dissiperont plus vite qu’une vile poussière, qu’un peu de fumée18.
Mgr Kallistos Ware affirme que «  sans repentir, il ne peut y avoir de vie nouvelle, de salut, d’entrée dans le Royaume des cieux19  ». Le «  Groupe des Dombes  » pour sa part décrit bien le lien entre la conversion et le repentir: «  La conversion s’appuie sur le repentir. La repentance indique la décision, et la conversion sa mise en œuvre  »20.

Mais qu’entend-on par repentir  ? Il ne s’agit pas seulement du regret d’avoir péché, du sentiment de culpabilité, du sentiment de peine face aux blessures que nous avons infligées à notre prochain et à nous-mêmes, mais aussi d’une transformation fondamentale de notre perspective, d’une nouvelle manière de voir Dieu, autrui et nous-même21. «  Le repentir n’est pas un excès de remords et d’apitoiement sur soi-même  »22, mais le regret d’avoir offensé Dieu qui conduit à la conversion, c’est-à-dire « au recentrage de notre vie sur la Sainte Trinité »23. Se convertir, c’est s’engager dans une relation d’amour et de confiance avec le Christ qui devient le guide et le point de repère de notre existence.

Pour illustrer ceci, les Églises évangéliques utilisent le diagramme suivant.



À gauche, le schéma montre une vie sans la foi au Christ, dans laquelle un individu vit sans référence à l’Évangile. Son «  moi  » siège au centre de son existence et il tend à voir ce qui l’entoure en fonction de ses intérêts personnels ou de sa subjectivité. À droite, le schéma montre une personne qui a accueilli le Christ comme son Seigneur; tout ce qui l’entoure est alors vu en fonction de Dieu et de sa volonté. L’ego est «  détrôné  » et le Christ, placé au centre de son existence, règne dans son cœur.

Cette vision de la conversion s’accorde bien avec le Directoire général pour la catéchèse pour lequel se convertir, c’est choisir l’option fondamentale de s’en remettre tout entier et librement à Dieu et d’accepter de se laisser conduire à une nouvelle manière d’être et de vivre. Dans une prière sincère de conversion, Jésus est appelé et accueilli avec le désir intérieur de marcher à sa suite, de devenir son disciple et de vivre comme il a vécu25.


3.  Dans la pratique

Viser à faire accueillir Jésus comme Sauveur et Seigneur par la récitation de la prière du pécheur aide à saisir ce à quoi doit aboutir l’annonce missionnaire. Mais quel message devrait être annoncé à la personne évangélisée avant de la conduire à réciter cette prière  ?

Celui-ci devrait se trouver en bonne partie dans la prière elle-même  : le fait que Dieu est bon et que nous avons été créés par amour pour une vie éternelle. Le fait que Jésus, le Fils de Dieu, est venu nous révéler, nous faire connaître Dieu. En prenant chair de la Vierge Marie, en prenant sur lui tous nos péchés, il a obtenu pour nous le salut. Si nous avons foi en lui, nous lui donnerons nos péchés, et lui les écartera de nous, aussi loin que l’orient de l’occident. Délivrés de nos fautes, nous pouvons connaître Dieu, grâce à ce don merveilleux qu’est le pardon qu’a obtenu le Fils pour nous. Et il est possible de croire à une si merveilleuse nouvelle grâce au gage de la résurrection attestée par les apôtres et à l’Esprit-Saint, envoyé par le Fils du haut de sa croix de souffrance et de douleurs.

L’annonce kérygmatique proclame la mort et la résurrection du Christ, le pardon des offenses, sans oublier le jugement à venir pour ceux qui négligeraient un pareil salut. Jésus n’a pas craint de dire: «  vous mourrez dans vos péchés  » (Jn 8,24). Et dans la lettre aux Hébreux (10,28-29) il est écrit: «  si ceux qui s’étaient trouvés coupables sous la loi de Moïse ont reçu sanction immédiate de leur faute, combien plus ceux qui négligeront pareil salut, obtenu sous le ministère du Fils de Dieu  ». L’évangélisateur devrait donc exhorter ainsi  : «  ne manquez pas cette grâce qui vous est faite de vous reconnaître pécheurs, cette grâce qui vous est faite de vous savoir sauvés, libérés  ».

Si le terme «  annonce missionnaire  » pourrait laisser entendre qu’il suffit à l’évangélisateur d’annoncer l’Évangile il s’agit dans les faits de plus que cela. L’annonce missionnaire, avec le témoignage de vie qu’elle requiert et le kérygme qu’elle proclame, doit aller jusqu’à inviter la personne évangélisée à faire un choix, à prendre une décision libre et éclairée en réponse au Christ qui l’appelle à la conversion et au salut26  : «  Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai, chez lui  » (Ap 3,20). La récitation de cette prière exprime ce choix, sa foi en Jésus-Christ et son désir de salut.

Inviter quelqu’un à réciter cette prière c’est lui proposer de s’abandonner entre les mains toutes aimantes de Dieu, de mettre sa confiance en lui et de consentir à ce que l’Esprit le conduise. Par cette prière, une personne accepte que Dieu agisse dans sa vie pour être libéré de ce qui la tient captive et la sépare de lui. Elle lui donne ainsi son cœur pour qu’il le remplisse de son Esprit et la conduise dans son Royaume.

Derrière la notion de conversion il y a aussi la notion de renoncement ainsi qu’il est expliqué dans la doctrine des deux chemins27 : «  l’un de la vie, l’autre de la mort (cf. Jérémie, 21, 8  ; Deut., 30, 15, 19)  »28. Le premier est un chemin de renonciation, l’autre un chemin de promesses. Le pape Benoît XVI explique qu’au début de l’Église, on employait l’expression  : «  Renoncez-vous au diable et à ses pompes  ?  » pour parler du renoncement à un type de culture qui est contre le Christ et contre Dieu et qui, dans l’Évangile de saint Jean, est appelée «  kosmos houtos  », «  ce monde  ».

La conversion, dans la tradition chrétienne, inclut encore l’acte de renoncer à Satan, à ses œuvres et à ses séductions29. Lorsque nous renonçons à Satan et disons oui à Dieu, nous nous soustrayons au pouvoir du Malin qui coordonne les activités destructrices du monde (Jn 10, 10) et qui veut être le dieu de ce monde (2Co 4, 4) et nous participons à la victoire du Christ (1Jn 3, 8).

Se convertir, signifie donc renoncer à ce qui va en sens inverse de la vie chrétienne et de l’observance des commandements de Dieu  : «  Convertis-toi au Seigneur et renonce à tes péchés, implore-le bien en face, cesse de l’offenser  » (Ecc 17, 25). En renonçant au péché, nous entrons dans la liberté des enfants de Dieu pour nous préoccuper de ne pas blesser l’amour de Dieu et de ne rien faire contre son amour30.
Ayant accepté de renoncer au péché et de donner votre foi au Christ, avec Marie, relevez la tête et reconnaissez avec elle la prédilection de Dieu pour les humbles, les affamés, pour ceux qui pratiquent l’amour (cf. Lc 1, 46-55)31.
La renonciation concerne aussi celle de ne vivre que pour soi-même. Par un acte d’abandon, nous renonçons à notre volonté propre et nous la donnons avec confiance à Dieu. Par la conversion, nous «  mourrons à nous-même  », à un certain type de vie, pour renaître à une vie nouvelle en Dieu.

Tenant compte de notre réflexion nous proposons maintenant une autre version de la prière du pécheur  :
Père céleste, je crois que tu es bon, que tu m’as créé par amour et pour une vie éternelle. Je crois que ton Fils Jésus, qui est mort et ressuscité pour moi, a pris sur lui tous mes péchés et qu’il m’a obtenu le salut. Jésus, je te demande pardon et je te donne toutes mes fautes afin que tu les écartes de moi aussi loin que l’orient de l’occident. Je renonce au péché, je renonce à Satan, je renonce à l’iniquité qui souille mon âme; libère-moi de tout ce qui est contre Ta sainteté et qui blesse ton amour. Sois mon Seigneur et Sauveur. Entre dans mon cœur et conduis-moi. Je m’abandonne entre tes mains et je te donne ma volonté. Amen.

Conclusion

Concevoir l’annonce missionnaire comme une activité qui vise à amener des personnes à accepter Jésus comme Seigneur et Sauveur permet de mieux comprendre comment accompagner et évangéliser des personnes en recherche. Si l’expression première annonce pourrait laisser entendre qu’il s’agit  simplement d’annoncer verbalement l’Évangile, il est tout aussi essentiel pour l’évangélisateur de témoigner par ses actes de l’amour de Dieu et aussi d’inviter les personnes évangélisées à répondre à l’appel de l’Évangile. La réponse à cet appel se fait par la récitation de la prière du pécheur qui fait du Christ son Seigneur et Sauveur et scelle sa décision personnelle de se convertir. Lorsqu’elle est dite sincèrement et en toute connaissance de cause, cette prière représente un signe de conversion initiale et démontre qu’une personne est prête à entrer en catéchuménat32. Elle marque un premier jalon dans un parcours de conversion qui ne fait que commencer. 

Mgr Kallistos Ware explique que le repentir initial n’est que le début d’un cheminement continu  : «  Ce repentir n’est pas une simple étape, un préliminaire  ; il se poursuit pendant toute la vie  »33. À ce sujet, il rappelle l’histoire du moine Abba Sisoès qui, gisant sur son lit de mort et entouré de ses disciples, dit: «  En vérité, je ne suis pas sûr d’avoir commencé à me repentir  »34. 

Le processus d’évangélisation doit se poursuivre après la conversion initiale par la catéchèse afin de renforcer et d’éclairer la foi reçue. La catéchèse permettra d’initier le nouveau converti aux mystères de la foi et de «  former l’homme de foi, pleinement cohérent avec le choix de l’Évangile du Christ  »35. Elle exposera le message chrétien en toute sa vérité et en toutes ses exigences de vie36. Elle visera aussi à intégrer les nouveaux convertis dans la communauté chrétienne afin qu’ils y vivent une croissance spirituelle et l’implication missionnaire. La conversion initiale n’est donc bien qu’une étape vers l’initiation chrétienne, une foi ecclésiale37 et l’engagement dans la mission.

Enfin, mettons en lumière une quatrième composante de l’annonce missionnaire car il y a plus que le témoignage de vie, la présentation du kérygme et l’invitation à faire une prière de salut. L’annonce missionnaire requiert aussi l’invocation de l’Esprit Saint qui donne la grâce nécessaire à la conversion. En effet, le Saint-Esprit est la puissance intérieure de l’Église et ce n’est que par sa lumière que la révélation peut être comprise et accueillie. Il touche le cœur et le tourne vers Dieu, Il ouvre les yeux de l’esprit et donne la douceur de consentir et de croire38  : «  Il n’y aura jamais d’évangélisation possible sans l’action de l’Esprit Saint  »39, explique le pape Paul VI  :
C’est grâce à l’appui du Saint-Esprit que l’Église s’accroît.… Il est celui qui, aujourd’hui comme aux débuts de l’Église, agit en chaque évangélisateur qui se laisse posséder et conduire par lui, et met dans sa bouche les mots que seul il ne pourrait trouver, tout en prédisposant aussi l’âme de celui qui écoute pour le rendre ouvert et accueillant à la Bonne Nouvelle et au Règne annoncé. (…) On peut dire que l’Esprit Saint est l’agent principal de l’évangélisation40.
Dans le livre des Actes des apôtres, il est décrit comment l’Esprit Saint tombait sur ceux qui écoutaient la Parole (Ac 10,44-48; 11,11-18). Dans sa pratique d’annonce missionnaire, l’évangélisateur a donc besoin d’entretenir et d’approfondir sa vie de prière et d’intercession. Il prie pour que l’Esprit Saint l’inspire et soit donné aux personnes qu’il évangélise. Il cherche à être, comme Jésus, une personne trouvant dans la prière le visage et la volonté de Dieu. Le pape Jean Paul II écrit  : «  la mission découle non seulement du précepte formel du Seigneur, mais aussi de l’exigence profonde de la vie de Dieu en nous41  ». Et comme le dit si gracieusement Anne Lécu, religieuse dominicaine et médecin en prison  : «  Parler de Dieu, ce n’est pas parler d’un concept, c’est parler de quelqu’un42  »; quelqu’un avec qui nous entretenons une relation d’amour et de confiance, quelqu’un qui a besoin de notre amour et qui nous appelle à l’aimer et à le connaître toujours plus.

À la suite de notre réflexion, nous pouvons affirmer que l’annonce missionnaire devrait être vue et pratiquée selon quatre composantes essentielles  : le témoignage de vie, la prière pour les personnes évangélisées, la proclamation du kérygme et l’invitation à accueillir Jésus comme Seigneur et Sau-veur dans un acte sincère de repentir et de confiance.


Notes

Déjà, dans le décret du Concile Vatican II sur l’apostolat des laïcs, il était écrit  : «  Par son apostolat l’Église et tous ses membres doivent donc d’abord annoncer au monde le message du Christ par leurs paroles et leurs actes et lui communiquer sa grâce  » (n. 6).
Jean-Paul II, Redemptoris missio, 7 décembre 1990, n. 2.
 Cf. Jean-Paul II, Redemptoris missio, n. 3.
 Cf. Jean-Paul II, Redemptoris missio, n. 2.
Benoît XVI, Porta Fidei, 11 octobre 2011, n. 2.
François, Discours du pape François aux participants à l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, le 14 octobre 2013.
Cf. Assemblée des évêques du Québec, Jésus-Christ chemin d’humanisation - Orienta-tions pour la formation à la vie chrétienne, Montréal, Médiaspaul, 2004, p. 45.

Ac 3,19  : «  Repentez-vous donc et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés  » et Rm 10,9-10  : «  En effet, si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car la foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres, le salut  ».
Congrégation pour le clergé, Directoire général pour la catéchèse, 15 août 1997, n. 6.
10 Jésus devient notre Sauveur lorsque nous lui demandons de pardonner nos fautes; Jésus devient notre Seigneur lorsque nous nous abandonnons à lui pour qu’il ordonne notre vie à son service et au service de son Royaume.
11 Le pasteur David Yonggi Cho fit grandir son église de quelques personnes à environ 800000 en l’espace d’une cinquantaine d’années.
12 Karen Hurston, Growing the World’s Largest Church, Gospel Publishing House, 1994, p. 164.

13 The Four Spiritual Laws-English-knowing God Personally. 4 Spiritual Laws, www.4laws. com/laws/englishkgp/default.htm, Consultée le 27 décembre 2018. 

14 David Bennett, The Sinner’s Prayer: Its Origins and Dangers, Capalaba, Queensland: Even Before Publishing, 2011, p. 150.
15 Ac 3,19  : «  Repentez-vous et tournez-vous vers Dieu, afin que vos péchés soient effacés  ».
16 Concile Vatican II, Ad Gentes, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église, n. 13.
17 Concile Vatican II, Ad Gentes, n. 13.
18 Saint Jean Chrysostome, Traité de la componction I, Œuvres complètes, http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/traites/componction1.htm, Consultée le 4 janvier 2019.

19 Kallistos Ware, Le royaume intérieur, Cerf, Paris, 1996, p. 48.
20 Groupe des Dombes, Pour la conversion des Églises, Centurion, Paris, 1991, p. 84.
21 Cf. Kallistos Ware, Le royaume intérieur, p. 49-50.

22 Kallistos Ware, Le royaume intérieur, p. 50.
23 Kallistos Ware, Le royaume intérieur, p. 50.
24 Schéma extrait de la page suivante http://com-jesus.com/connaitre-dieu/, consultée le 04 Janvier 2019.
25 Église catholique, Congrégation pour le clergé, Directoire général pour la catéchèse, n. 48, 53-56, http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cclergy/documents/rc_con_ ccatheduc_doc_17041998_directory-for-catechesis_fr.html, Consulté le 27 février 2019.
26 Ma 4,17 - Dès lors Jésus se mit à prêcher et à dire  : «  Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche  ».
27 Il s’agit de la Didachè (ou doctrine des Apôtres) rédigée vers la fin du 1er siècle ou au début du 2ème siècle.

28 La Didachè, I1, http://coptipedia.com/index.php/livre-4-foi-structure-et-rite/spiritualite/ 578-la-didache-la-doctrine-des-douze-apotres.html, Consultée le 27 février 2019.

29 Cf. Centre National de Pastorale Liturgique, Service national du catéchuménat des adultes, Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n. 217.
30 Cf. Benoît XVI, S’immerger dans le Père, dans le Fils, dans le Saint-Esprit, le 11 juin 2012, http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/135027075af.html?fr=y, Accédée le 4 Janvier 2019.
31 Jean-Paul II, «  Il faut que quelque chose change ici  », La documentation catholique, 17 avril 1983, N° 1850, p. 434.
32 Centre National de Pastorale Liturgique, Service national du catéchuménat des adultes,
Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n. 72.

33 Kallistos Ware, Le royaume intérieur, p. 48.
34 Lucien Regnault, Abba, dis-moi une parole, Solesmes, 1984, p. 164-165.
35 Jean-Paul II, Discours à l’occasion de la visite des évêques de Lituanie en visite «  ad limina  », 17 septembre 1999, https://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/travels/1999/ documents/hf_jp-ii_spe_19990917_Lituanie-ad-limina.html, Accédée le 4 janvier 2019.

36 Cf. Catéchèses du pape Jean-Paul II lors des audiences générales du mercredi, 9 janvier 1985, Transmettre la foi dans son Intégrité, n. 3.
37 Cf. Synode des Évêques, L’Eucharistie  : source et sommet de la vie et de la mission de l’Église, Instrumentum laboris, 2005, n. 32.

38 Cf. Concile Vatican II, Dei Verbum, n. 5.
39 Paul VI, Evangelii nuntiandi, n. 75.
40 Paul VI, Evangelii nuntiandi, n. 75.
41 Jean-Paul II, Redemptoris missio, n. 11.
42 Croire.com. «  Comment parler de Dieu à ceux qui n’y croient pas?  » La Croix, 19 Oct. 2017, croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Evangelisation/Comment-parler-de-Dieu-a-ceux-qui-n-y-croient-pas, Accédée le 4 janvier 2019.

LA CROISSANCE DE L'ÉGLISE