Auteur: Pierre-Alain Giffard
Don Pigi Perini est un prêtre italien, curé de la
paroisse Sant'Eustorgio près de
Milan. Lorsqu’il fut nommé dans sa paroisse, la proportion de ceux qui
fréquentaient les célébrations du dimanche était de douze pour cent. Formé
au séminaire, on l’avait préparé au manque d'efficacité pastorale. Il avait
théorisé l’échec : « L'un sème, l'autre récolte… » ;
« pourvu que Jésus-Christ soit annoncé… » ; beaucoup
de petites phrases de la Bible, utilisées à contresens, venaient renforcer une
mentalité de renoncement ascétique, le manque d'ambition pastorale était
justifié par la pauvreté, l'humilité et les autres vertus évangéliques[1]!
Dans l’église paroissiale voisine, c'était la
même chose. Et bien que jeune et plein de vigueur, son enthousiasme s’est éteint
petit à petit et la routine l'a consumé. Il se réfugia dans la culture, les
homélies savantes et il ne voyait plus, dit-il, que cette culture, dans
laquelle il vivait, était païenne. Cela dura un certain temps jusqu’à ce qu’il
se trouve devant un choix intérieur : ou bien renoncer à sa vocation de prêtre
ou retrouver une nouvelle vitalité et être à la suite de Jésus « pêcheur
d’hommes ».
C’est alors qu’un prêtre d'origine canadienne,
le Père Valeriano Gaudet, est venu chez lui. Il lui a montré un article d'une
revue américaine, intitulé: « Paroisse en flammes ». Il s'agissait
d'une paroisse de Floride, Saint-Boniface, où le curé, Michel Eivers, animait
une communauté particulièrement vivante. Alors il s’est dit : « Allons
voir si c'est vrai… ». Il y a trouvé des cellules de maison et une église
paroissiale qu’il n'osait rêver rencontrer, une église paroissiale en
croissance. Il y trouva une orientation fondamentale pour l'évangélisation, une
hospitalité chaleureuse, l'adoration eucharistique de six heures à vingt-quatre
heures et un grand nombre de ministères laïcs gérés par une structure
organique. Le pasteur était à la tête de la communauté, mais il déléguait son
autorité avec un grand respect des autres membres.
Dans cette paroisse de Floride, les laïcs
avaient une très bonne connaissance des Écritures saintes, ils ouvraient la
Bible comme un livre qu'on connaît et qu'on a toujours sous la main. La majorité (90%)
verse la dîme. On
y vit le baptême de l’Esprit et une louange vibrante. La paroisse Saint-Boniface
est fondée sur l'expérience charismatique. Mais ce n'est pas la chose la plus
importante, dit-il, l'important c'est le renouvellement paroissial que les
cellules apportent.
Les orientations de base de la paroisse sont les suivantes :
·
Les pasteurs de Saint-Boniface ont choisi
l'évangélisation comme premier but.
·
Ils ont mis sur pied une structure de cellules
de maison.
·
Ils ont mis l’accent sur la maison, le foyer,
l'atmosphère.
·
Ils ont élaboré un système pouvant gérer la
multiplication des cellules.
Don Pigi a compris qu’il devait prêter une plus
grande attention à ceux qui étaient étrangers, éloignés, indifférents à
l’église paroissiale. Le moment était venu pour lui de poser son regard
pastoral sur ceux qui étaient en dehors de l’Église. Tant d’années il avait
concentré toutes ses énergies et ses efforts sur les mêmes
« habitués », toujours fidèles, toujours plus « choyés » et
toujours plus réduits en nombre. Sa vision n'allait pas plus loin, elle ne
percevait pas ceux qui n’étaient pas là! Pourtant, c'est précisément dans ceux
qui sont loin, dans ceux que l’on considère perdus, difficiles à rejoindre,
indifférents que réside le potentiel de croissance d’une communauté chrétienne.
Communiquer sa foi, annoncer Jésus, proclamer la Bonne Nouvelle ,
voilà les fruits de l’église paroissiale, la clé de sa croissance et de son
avenir!
Mais Don Pigi s’est également rendu compte que
ses seules forces ne suffiraient pas. En tant que prêtre, il lui était
impossible de rejoindre tout le monde et il lui était surtout difficile de
rejoindre les personnes là où elles vivent, au travail, à l'école, en famille
ou dans les maisons. Il devait compter sur une église moins cléricale, se fier
à l'œuvre de l'Esprit Saint et compter, comme dans la communauté de Floride,
sur les dons de tous les chrétiens. Il avait besoin de les encourager et de les
motiver afin d'en faire des évangélisateurs, que ce soit au travail, à la
maison, entre amis ou dans leurs immeubles. C'est là l'intuition de base des
cellules de maison qu’il appelle cellules paroissiales d’évangélisation. On y
invite les membres à témoigner dans leur propre milieu de vie (Oïkos).
Quand Don Pigi est revenu dans sa paroisse, il
a présenté à sa communauté l’expérience de Saint-Boniface et proposé dans son
église paroissiale une formation à partir d'Evangelii
nuntiandi[2]. Puis il a
choisi des laïcs et leur a proposé une formation de responsables de cellule
paroissiales d’évangélisation. Cette formation dura six semaines. Petit à
petit, ils sont passés de quatre cellules provisoires à quatorze et leur nombre
a progressivement augmenté. Mais, précise-t-il, la communauté n’est pas
seulement « cellulaire », elle est aussi eucharistique, tous sont
invités à vivre la célébration de la Messe.
Comme dans l’église du pasteur Cho, les
cellules sont composées de dix à quinze personnes qui se réunissent chaque
semaine dans une maison privée. Jésus y est présenté comme Seigneur,
c’est-à-dire qu’il est appelé à devenir la personne la plus importante de notre
vie, le maître de notre existence, qui devrait être servi d’esprit, de cœur,
dans sa famille et dans son travail, dans ses vacances et dans ses temps
libres. Durant la rencontre, un temps est réservé pour l’enseignement
hebdomadaire du curé qui est diffusé dans toutes les cellules sous formes de
notes ou de cassettes. Ainsi, chaque cellule écoute le même enseignement, suit
le même cheminement et se nourrit de la même Parole.
Les membres apprennent à prier en s’ouvrant à
l'action de l'Esprit Saint. Ils cherchent à reconnaître la présence de Jésus
dans leur vie en devenant attentifs aux signes concrets de son amour. Ils
apprennent à écouter leurs frères, à faire silence en eux-mêmes pour
l'accueillir. Ils font l'expérience de l'amour fraternel, ils partagent leurs difficultés,
ils se soutiennent pour surmonter leurs doutes. Pour de nombreux frères et
sœurs, une cellule est une première expérience de vie communautaire qui les
prépare à s'insérer pleinement dans la communauté paroissiale. Les responsables
des cellules sont choisis avec soin par le curé et formés afin de bien remplir
leur tâche. Les différentes étapes des rencontres de cellules sont les
suivantes : Prières spontanées de louange, échange informel sur ce qui a
été vécu dans la semaine, enseignement, réactions des participants,
informations sur la vie paroissiale, prières d’intercessions et prières de
guérison par imposition des mains.
De la connaissance personnelle du Christ vivant
surgit, chez les membres de la cellule, le désir de partager et de proclamer
leur expérience aux personnes qui leur sont les plus proches, à celles qu'ils
rencontrent habituellement et qui, d'une manière bien concrète, font partie de
leur vie. C’est pourquoi les cellules grandissent, leurs membres sont
« pêcheurs », au sens évangélique. Ils parlent de Jésus dans leur
milieu de vie, ils témoignent de lui par un changement de leurs goûts et de
leurs priorités, ils partagent l'expérience de l'amour gratuit, fidèle,
miséricordieux, personnel, de Dieu. Ils témoignent dans la famille, au travail
ou à l'école, aux amis, à leurs voisins, en un mot : dans leur oïkos, le milieu dans lequel se déroule
leur vie quotidienne. De cette façon, l'autre n'est plus appelé à rester un
étranger : des vies se rencontrent et de nouveaux liens s'établissent.
Les cellules sont profondément insérées dans le
contexte paroissial et en lien avec le pasteur. Elles coexistent avec toutes
les autres réalités présentes dans la paroisse qui continuent à fonctionner,
même si, indubitablement, ces dernières ont trouvé de nouvelles bases, de
nouvelles énergies et un nouvel enthousiasme. À travers une structure
précise : leaders de cellule, leaders de section, leaders territoriaux,
cellule exécutive, le curé est capable de connaître ce qui arrive dans chacune
des rencontres de cellules. Il est au courant des principaux problèmes qui
peuvent surgir, de l'arrivée de nouvelles personnes, des merveilles que le
Seigneur accomplit, de l'orientation et du cheminement des membres, de sorte
que, même s'il n'est pas physiquement présent, il peut suivre le déroulement de
l’évangélisation.
Grâce aux cellules, dit-il, sa paroisse est
devenue une vraie famille, une maison fraternelle et accueillante où chacun
trouve sa place. Sa communauté chrétienne est devenue un lieu où tous peuvent
faire l'expérience de l'amour et se rendre compte combien ils sont capables de
donner et de recevoir. On peut y partager ses joies, ses souffrances, ses
doutes et ses découvertes, dans l’assurance d'y trouver de la compréhension, un
accueil et même des réponses. Elle est devenue le lieu de la rencontre avec
Dieu où l’on apprend à prier, à louer et à communiquer son expérience de Jésus.
Le Seigneur y accomplit des merveilles, et il renouvelle continuellement son
alliance avec son peuple.
Même s’il met beaucoup l’emphase sur les
cellules pour l’œuvre de l’évangélisation, ce prêtre italien, parle aussi de
l’importance de former les chrétiens de sa communauté. Les former d’abord à la
prière; une prière ardente, qui ne soit pas formaliste, mais qui prenne vie dans
la parole de Dieu, la liturgie et la contemplation : Nous exhortons les évangélisateurs quels qu'ils soient à prier sans
cesse l'Esprit Saint avec foi et ferveur et à se laisser prudemment guider par
lui comme l'inspirateur décisif de leurs plans, de leurs initiatives, de leur
activité évangélisatrice[3].
Il explique à ses paroissiens qu’on ne peut
assurer une transmission authentique de la foi que si on en fait l’expérience personnelle.
La foi doit être accueillie comme une réalité vécue qui soit transformante. Il
souhaite faire naître dans le cœur des chrétiens le désir de grandir dans une
relation personnelle avec Dieu dans la prière, l'écoute personnelle de la
Parole, la participation aux sacrements, l'accompagnement spirituel, la
catéchèse et l’implication communautaire : Dieu donnera certainement le don de la foi à qui le cherche de tout son
cœur : de ce don reçu le croyant pourra et saura en témoigner[4].
Don Pigi souhaite aussi donner aux membres de
sa communauté le souci de ceux qui ne sont pas là, le désir de se faire
proches, de créer des liens et de rendre service. Avant d'être une annonce dans
l'Esprit, une manifestation de puissance, le mystère du salut annoncé aux êtres
humains a été amour et service : Celui
qui pratique le service au nom de Jésus doit rechercher les exigences et les
problèmes du frère que le Seigneur appelle à évangéliser. « Cherche la plaie et soulage-la
! » est une devise qui semble bien exprimer cette méthode[5]. Voir les
blessures intérieures, les attentes et les aspirations de notre prochain et
essayer d’y répondre. Créer des liens, entrer en relation, donner de son temps,
de son sommeil, de sa tranquillité, et parfois même de son argent, afin que
celui qui reçoit se rende compte à quel point on est prêt à s'engager pour lui
et ceci d’une manière gratuite et désintéressée. Il sera alors profondément
interpellé et disposé à écouter notre témoignage et à y croire.
Cet article se trouve dans le livre : GIFFARD, Pierre-Alain, La croissance
de l’Église : outils et réflexions pour dynamiser nos paroisses,
Nouan-le-Fuselier, Éditions des Béatitudes, 2012.
[1] G. Macchioni, Évangéliser
en paroisse : L’expérience des Cellules Paroissiales d’Évangélisation, 2e
édition, Nouan-le-Fuselier, Editions Pneumathèque, 1996, p. 8.
[2] Evangelii Nuntiandi est l’exhortation
apostolique L’évangélisation dans le monde moderne de Paul VI (1975).
[3] Paul
VI, Evangelii Nuntiandi (exhortation apostolique, l’évangélisation
dans le monde moderne), Coll. L’Église aux quatre vents, Montréal, Fides,
1975, § 75.
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